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Bulle Dédicace :
Le polar selon David Chauvel
Une enquête de Fabrice Leduc
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David Chauvel, en grand amateur des rivages américains en matière de cinéma, a fait
du polar un de ses terrains de prédilection, usant et abusant avec persévérance
et souvent beaucoup de talent des références du grand écran. On lui doit
ainsi quelques furieux road movies qu’il a situé dans cette Amérique du
grand rêve de la réussite et du billet vert comme dans celle d’une certaine
perte de valeurs qui aboutit à l’accomplissement individuel et ultra-violent.
Que ce soit dans le très classique (dans sa forme) Ce qui est à nous
qui conte un siècle de crime organisé à New York (4 albums parus) ou Les
Enragés (5 tomes et une intégrale en N&B), il conte l’envie de
puissance, le dépassement des règles, le passage hors-la-loi qui ne consentent
pas de retour en arrière.
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Ce
choix de l’Amérique des excès, caractérisée par cette quête de la réussite
malgré tout, il le conserve dans Rails (4 tomes et une intégrale pour
un récit décalé vers le futur) afin d’aborder aussi les problèmes raciaux
d’une nation très cosmopolite. Revenant ces derniers temps sur les traces
d'un Quaterback des Beavers de Détroit dont le meurtre remue de bien étranges
intérêts, il nous assène de nouveau un savoir-faire très carré, qui pousse
le détail narratif au détriment certainement d’une possible dimension plus
ludique. Dans ce second album, ils sont trois en fuite, dont Ralph Aparicio
qui sait que sa vie ne tient plus qu'à un fil. Une enquête toujours très
fluctuante à défaut d'être passionnante, un album où on semble faire un peu
de surplace, passant notamment un temps interminable au téléphone (mais
n’est-ce pas une autre constante d’une société qui cherche dans la
communication artificielle ce qu’elle a perdu de spontanéité ?)... Le
dessin toujours en rodage de Malo Kerfriden est souvent étouffé par une mise
en couleur de chez Photoshop qui vient alourdir l'ensemble sauf peut-être sur
les scènes les plus nocturnes. Non dénuée de rebondissements, de suspense et
de cadavres (élément souvent d’importance dans un thriller !), cette série
prévue en quatre tomes ne persuade pas et semble toujours attendre son réel décollage.
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Beaucoup
plus passionnant est Torticolis et Deltoïdes, premier tome d'Ocean
City que Chauvel met en oeuvre avec Vincent Komorowski. On y fait la
connaissance de Louis Facciano, un petit truand qui survit en jouant de l'usure
à deux points. Jusqu'au jour où son fils disparaît et que sa femme hystérise
à un point tel qu'il part le chercher dans un bar miteux et mal fréquenté. Là,
tout bascule dans une baston qui tourne au drame... voilà Louis avec un cadavre
dans le coffre de la voiture, une caisse qu'il se fait de plus piquer, bref, la
mouise totale pour un dur un peu dépassé par les événements. L'affaire se
veut un peu plus loufoque et légère que pour Quaterback, Chauvel réussissant
à nous dérider grâce à une
galerie de personnages gratinés et quelques rebondissements de bon aloi.
Komorowski démontre une jolie maestria dans le détail et l'expressivité,
jouissant également d'une mise en couleurs moins écrasante par Sophie Barroux.
Cette fois on touche au très bon premier album d’un dessinateur qui profite
du métier d’un scénariste solide qui a une bonne envie de déconnade et qui
l’assume pleinement. Une visite s’impose !
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L’actu
polar de David Chauvel, c’est aussi Nuit Noire dans une version
intégrale à découvrir dans la collection encrages des éditions Delcourt.
Ce récit qui, cette fois, prend place en France, a été publié en trois
albums sous la patte appuyée et décidée de Jérôme Lereculey. Cette version
en N&B donne encore plus de force que dans la version couleur à cette
vilaine dérive qui surprend deux amis d'enfance alors que l'un d'eux sort de
prison et se voit rapidement interrogé pour une affaire de viol. Le dérapage
est terrible, totalement incontrôlé, Joel basculant dans la violence la plus
extrême alors que Marc se laisse entraîner autant pour ne pas le trahir que
par une forme de lâcheté et d'impuissance. Chauvel donne cette fois le calque
d’une possible situation de crise autour de deux jeunes noyés entre indifférence,
grisaille du quotidien et absence de projection vers un avenir. Le ton est dur,
cruellement violent et férocement implacable. Une œuvre rendue puissante par
la rencontre d’un scénario remarquable et d’un dessin puissant et,
farouchement expressif. Cette folle nuit vous laissera sans sommeil et
absolument conquis !
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A
ces titres fortement conseillés, il faut rajouter les quatre tomes de la série
Le Poisson-Clown avec Fred Simon, rappelant que David Chauvel est aussi
quelqu’un de fidèle puisque ces titres sont tous parus aux éditions Delcourt,
illustrés par des dessinateurs qui ont connu comme lui des balbutiements de
carrière dans le studio Atchoum à Rennes, en fait un lieu de rencontre pour
des potes fanas de bulles et d’images.
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