On
pourrait croire qu'il s'agit de la force du destin. Bruce Jones. Prénom de
Bruce Banner, l'alter égo du géant vert, et le nom de son comparse qui est à
la base de tous ses malheurs, Rick Jones, chanteur à ses heures et grand copain
de tous les super héros Marvel. Un mélange détonant sur le papier, mais bien
plus difficile à mettre en œuvre après les dérives des derniers épisodes ;
des Hulk verts, gris, en veux-tu en voilà, sans compter les centaines qui
attendaient derrière, prêts à faire la démonstration de leur rage et à
casser du méchant. Une rengaine qui devenait fatiguante et donc sans surprise,
avec des vilains tantôt humains tantôt abominables qui semblaient avoir livré
tous leurs secrets. Il a donc fallu une nouvelle transformation à la série, et
si le risque de voir une nouvelle couleur sans grand attrait du Hulk qui allait
voir le jour avec la prochaine équipe artistique était grand, il était encore
plus invraisemblable d'imaginer le succès qui allait éclore avec cette énième
renaissance. Dire que les lecteurs - et les critiques - se sont pris une claque
en découvrant ces nouvelles aventures seraient loin de la vérité ; nous avons
été assommés par la première pichenette du Colosse de Jade. Et en bons fans
que nous sommes, on en a bien entendu redemandé.
Et
il semble bel et bien que Bruce Jones soit l'auteur qu'il fallait pour redonner
le punch nécessaire à ce personnage pour escalader l'imposante montagne des
meilleures ventes mensuelles, puisqu'il n'a suffit que d'un seul numéro écrit
par ses soins pour irradier les ventes de cette série. Et de ce fait préparer
l'arrivée de notre héros de monstre au cinéma, élément majeur corrélé à
sa renaissance pour Marvel.
Pourtant,
quand on y regarde de plus près, Bruce Jones renoue avec un Hulk que l'on connaît
bien, celui de la série télé - dans laquelle le héros ne s'appelait pas
Bruce mais David Banner - voyageant le long des routes, de ville en ville, à la
recherche de réponses et principalement en quête de lui-même. Et si, dans
cette série, Hulk faisait au moins une fois son apparition, déchirant sa
chemise et grognant comme un forcené, c'est loin d'être le cas dans le comic.
Et c'est ce qui étonne. Il ne s'agit plus des aventures mouvementées d'un Hulk
parfois intelligent et souvent destructeur, mais d'un homme dont le corps est un
réacteur nucléaire pouvant tout dévaster sur son passage en l'espace de
quelques minutes. Un homme fatigué et malade, qui a tout perdu jusqu'à son
humanité, sorte de Docteur Jekyll se cachant de la surface du monde pour que
l'on ne remarque pas, superposé sur les traits de son visage celui du Docteur
Hyde.
Les
amoureux de Hulk pourraient donc être déçus que l'on ait fait l'impasse sur
le personnage phare de la série. Et c'est là que tout le doigté du scénariste
intervient. Via des récits qui prennent leur temps, tout comme les romans
fantastiques qui établissent les bases réalistes, posant des jalons sur
lesquels le lecteur croit en l'univers qui lui est présenté, avant de faire
chavirer le navire et ainsi de glisser imperceptiblement dans l'impossible, la
puissance de Hulk grossit de numéro en numéro. Il devient ainsi un monstre de
cauchemars, par le fait qu'on le sent sans jamais le voir. Toujours là, comme
une ombre, mais totalement invisible malgré sa taille.
On
rentre de ce fait totalement dans la peau de Bruce Banner, qui correspond avec
le mystérieux Mister Blue, et dont chaque nouvelle saga est illustrée par un
dessinateur différent ; d'abord Romita Jr, puis Stuart Immonen avant de
retrouver Mike Deodato au numéro 50. Loin des combats contre les militaires ou
des monstres aussi paumés que notre héros, on vit le calvaire de cet être
humain qui n'est plus l'habit civil d'un super héros mais bel et bien le héros
de ses propres aventures qui jouent avec le fantastique et le réel. Zombies,
complots, chasse à l'homme, amitié et trahisons sont autant d'éléments avec
lesquels jongle le scénariste pour distiller une ambiance et un suspens qui
nous donnent toujours envie d'avoir le prochain numéro entre les mains pour en
savoir un peu plus.
Le
Hulk nouvelle version n'est donc à rater sous aucun prétexte, son succès
ayant d'ailleurs donné naissance à une mini série en quatre épisodes bien évidemment
écrite par Bruce Jones et mise en images par Scott Kolins : Hulk and Wolverine
: 6 hours, qui associe nos deux héros aux comportements destructeurs pour
sauver une famille de trafiquants de drogue. A (re)découvrir donc, cette année,
dans une nouvelle revue Marvel France entièrement consacrée au Géant Vert.
Greg
(3/01/03)
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